Peut-on obliger un enfant à nous regarder lors d’un conflit ?

 Selon Betsy Evans, formatrice, conseillère en gestion de comportements et spécialiste en résolution de conflits, il faut éviter de demander à l’enfant de regarder l’adulte dans les yeux lors d’un conflit. Les jeunes enfants s’intéressent aux objets et aux mouvements. Leurs yeux se baladent continuellement d’un point à l’autre, selon les stimulations du moment. Il est difficile pour eux de concentrer leur regard sur une chose ou un point particulier. 

Plus ils vieillissent, plus leur regard se fixe naturellement de lui-même, sans qu’on ait à leur demander. Ils s’intéressent alors plus aux conversations qu’aux objets ou aux mouvements. 

Pour vivre le processus de résolution de problèmes décrit dans la fiche 6, il vaut mieux se placer à côté de l’enfant, plutôt que devant lui. Cette position est moins menaçante. Elle est aussi moins perçue comme une confrontation. 

 Voici en rappel les 6 étapes :

Un réflexe d’adulte à déconstruire 

Il n’est pas rare d’entendre un adulte dire de manière insistante « Regarde-moi ! », « Regarde-moi ! », « Je veux que tu me regardes ! », « Je veux tes yeux ! », en faisant parfois un signe avec la main qui touche le visage de l’enfant pour attirer l’attention vers les yeux de l’adulte. 

La tension devient alors palpable tant chez l’enfant que chez l’adulte. L’avez-vous déjà vécu ? Qu’a-t-il fait ? Il s’exécute et obéit ou encore il maintient une position corporelle fermée, en regardant au sol ou en fuyant le regard. 

L’enfant qui est en tort lors d’un conflit peut ressentir de la honte, de la culpabilité. Il peut aussi avoir peur d’être puni et jugé en faute, à cause de son comportement. Il peut s’attendre à se faire réprimander et, de ce fait, sa position fermée le protège d’être trop intimidé par l’adulte, par son regard désapprobateur, son attitude fâchée, ses mots négatifs, ses gestes autoritaires. Il se replie donc pour se protéger du trop-plein d’énergie qu’il perçoit chez l’adulte. Quand on sait que la première étape du processus de résolution de problèmes est que l’adulte s’approche calmement des enfants, on peut imaginer ici que ce n’est pas toujours le cas. 

Comment peut réagir l’adulte dans ces moments? 

• Retrouver son calme.
• Éviter d’insister pour obtenir un regard direct avec de jeunes enfants.
• Refléter à l’enfant ce qu’il observe et ressent, en parlant au « Je » « Je vois que tu penses à ton affaire. Peut-être es-tu désappointé de ce qui vient de se passer ? », « J’aimerais qu’on en parle et je me sens mieux comprise quand tu me regardes, si c’est possible pour toi… ».
• Éviter de forcer le regard.

Que communique le regard ? 

De l’hostilité ? De la violence ? De la colère ? Un jugement négatif ? Du réconfort ? De l’espoir de résoudre ensemble le problème? Difficile de savoir! 

L’enfant est un être extrêmement sensible. Il perçoit de l’énergie positive ou négative dans le regard de l’adulte. Il ne sert à rien de forcer son regard. Il vaut mieux se concentrer, comme adulte, sur l’énergie que l’on communique, apprendre à garder son sang-froid et son calme en situation de conflit. 

Ce qui importe, c’est de vivre le processus complet de résolution de problèmes sans exiger le regard direct des enfants. La participation active de l’enfant au processus est beaucoup plus pertinente. L’enfant a besoin de sentir que ce ne sont pas des reproches qui lui seront adressés. La recherche de solutions réparatrices et réconfortantes fait partie du processus. L’aboutissement doit être perçu positif, en préservant l’estime de soi et la dignité de chacun. 

Pour relever la tête et regarder l’autre quand on est dans le tort, on a besoin de sentir qu’il nous comprend et est « avec » nous et non « contre » nous. Il faut également percevoir que l’autre va nous aider à y voir plus clair, pour ensuite réparer nos erreurs, après les avoir reconnues.

Par Jocelyne Petit, auteure, professeure en Techniques d’éducation à l’enfance retraitée, et consultante en petite enfance. 

Références 

Betsy Evans, adaptation française Karine Robert, Résolution de problèmes en milieu éducatif, 21 situations illustrées, Chenelière Éducation, Montréal, 2017. 

Jocelyne Petit, Notes de cours, Peut-on forcer le regard de l’enfant, Cégep de Sainte-Foy, 2012.